Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 janvier 2023, 21-18.993, Publié au bulletin
Par un arrêt en date du 4 janvier 2023, la Cour de cassation confirme que « Les personnes publiques peuvent acquérir par prescription ».
Etat du droit
Pour rappel, selon les articles 712 et 2258 du Code civil, la propriété peut s’acquérir par la prescription, qui est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession. Ce mode d’acquisition doit répondre à des conditions précises pour pouvoir s’exercer :
- d’une part, il ne peut porter que sur des immeubles ou droits réels immobiliers et ne saurait donc, logiquement, porter sur ceux qui sont imprescriptibles, à l’image des biens des personnes publiques qui relèvent du domaine public (article L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques)
- d’autre part, il doit d’agir d’une « possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » (article 2261 du Code civil) pendant une durée de 30 ans (article 2272 du Code civil)
En outre, le Code général de la propriété des personnes publiques énumère, dans ses articles L. 1111-1 à L. 1127-3 les modes d’acquisition de la propriété des personnes publiques (en particulier, à titre gratuit : le don, le legs, la succession ou la procédure d’acquisition d’un bien vacant ou sans maître). Ces dispositions, si elles ne mentionnent pas la possibilité d’acquérir des biens par prescription, n’excluent toutefois pas expressément ce mode d’acquisition.
La position de la cour d’appel censurée par la Cour de cassation
Dans les faits de l’espèce, une commune a assigné deux habitants en revendication de la propriété d’une parcelle cadastrée sur le fondement de la prescription acquisitive.
En cause d’appel, pour déclarer irrecevable l’action en revendication de la commune, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 3 juin 2021, n° 18/16362) retient que, même si le Code civil n’opère pas de distinction entre les personnes publiques et privées, le Code général de la propriété des personnes publiques énumère de manière exhaustive et exclusive les modes d’acquisition des biens immobiliers et mobiliers par les personnes publiques, de sorte que, depuis son entrée en vigueur, la prescription acquisitive, qui n’y est pas mentionnée, ne saurait être invoquée par une personne publique.
En d’autres termes, selon la Cour d’appel, seuls les modes d’acquisition « limitativement énumérés » par le Code général de la propriété des personnes publiques seraient ouverts aux personnes publiques.
Par son arrêt en date du 4 janvier 2023, la Cour de cassation réaffirme sa position établie de longue date, au terme de laquelle il est tout à fait admis qu’une personne publique s’autorise de la prescription acquisitive pour acquérir la propriété d’un bien immobilier, qu’il s’agisse de l’État (cf. Cass. civ. 3, 11 juin 1997, n° 95-16.550, publié au Bulletin) comme des collectivités territoriales, et tout particulièrement les communes (cf. Cass, civ. 3, 25 février 2004, n° 02-20.481 ou Cass. civ. 3, 4 janvier 2011, n° 09-72.708).
La Cour de cassation censure ainsi la position de la Cour d’appel par un considérant de principe confortant l’état du droit :
« (…) la propriété s’acquiert par la prescription qui est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession. Ces textes ne réservent pas aux seules personnes privées le bénéfice de ce mode d’acquisition qui répond à un motif d’intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (…) / En statuant ainsi, alors que les personnes publiques peuvent acquérir par prescription, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »