Protection domaine ferroviaire

Panorama des mesures relatives à la protection du domaine public ferroviaire entrées en vigueur au 1er janvier 2022


Ordonnance n° 2021-444 du 14 avril 2021 relative à la protection du domaine public ferroviaire

Décret n° 2021-1772 du 22 décembre 2021 relatif à la protection du domaine public ferroviaire

En 2021, une ordonnance et un décret sont venus dépoussiérer les règles en vigueur relatives à la protection du domaine public ferroviaire. Tour d’horizon des dispositions législatives et règlementaires qui en sont issues.


Historique législatif et réglementaire

Dans l’intérêt de la protection, de la conservation ou de l’utilisation du domaine public, des servitudes administratives, souvent appelées servitudes d’utilité publique, grevant les propriétés voisines du domaine public, sont créées dans un but d’intérêt général, au profit du public ou d’un service public auquel le domaine public est affecté (article L. 2131-1 du CG3P).

Ces servitudes sont opposables directement aux administrés, sans formalités de publicité préalable. Elles bénéficient de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité et ne peuvent s’éteindre par le non-usage et la prescription. Les contrevenants à ces servitudes sont le plus souvent frappés de sanctions administratives (contravention de grande voirie).

En ce qui concerne le domaine public ferroviaire, historiquement, celui-ci était protégé par les servitudes d’utilité publique dite « T1 » instituées par la loi sur la police des chemins de fer en date du 15 juillet… 1845 !

A l’occasion de la codification du Code des transports par l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, l’ensemble des servitudes d’utilité publique figurant dans cette loi de 1845, applicables aux propriétés riveraines des chemins de fer, ont ensuite été reprises aux dispositions des articles L. 2231-1 et suivants du Code des transports.

Toutefois, ces dispositions s’avéraient être obsolètes et incomplètes, soit en tant qu’elles renvoyaient à des dispositions législatives abrogées, soit parce qu’elles ne permettaient pas, en raison de leur ancienneté, d’appréhender certaines problématiques auxquelles le domaine public ferroviaire est aujourd’hui confronté (cf. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-444 du 14 avril 2021 relative à la protection du domaine public ferroviaire).

Par conséquent, en vue d’effectuer un grand dépoussiérage des servitudes instituées dans l’intérêt du domaine public ferroviaire par la loi 1845, l’article 169 de la loi d’orientation des mobilités (LOM), a habilité le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet de compléter et moderniser les dispositions relatives à la conservation du domaine public ferroviaire, afin notamment de redéfinir les servitudes actuellement applicables, d’autoriser le gestionnaire d’infrastructures à imposer des prescriptions pour préserver la sécurité des installations ferroviaires et des propriétés riveraines, de renforcer certaines interdictions et de permettre au gestionnaire d’infrastructures d’intervenir en cas de défaillance des riverains »

Ce fut tout l’objet de l’ordonnance n° 2021-444 du 14 avril 2021 relative à la protection du domaine public ferroviaire et du décret n° 2021-1772 du 22 décembre 2021 relatif à la protection du domaine public ferroviaire, dont la plupart des disposotions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2022.

Quelles sont les mesures issues de ces textes ?


Nouvelles mesures relatives à la conservation du domaine public ferroviaire

Selon le rapport au Président de la République, l’ordonnance du 14 avril 2021 :

  • détermine les modalités de délimitation du domaine public ferroviaire (non détaillé dans le présent article)
  • précise les règles applicables aux constructions, aux terrassements, aux excavations, et aux dépôts de matériaux envisagés à proximité immédiate du domaine public ferroviaire
  • prévoit des mesures de gestion de la végétation aux abords de l’infrastructure ferroviaire
  • prévoit la possibilité pour le gestionnaire d’infrastructure d’intervenir sur les propriétés riveraines du domaine public ferroviaire pour des raisons impérieuses tenant à la sécurité des circulations ferroviaires

Le décret du 22 décembre 2021 apporte des précisions quant aux modalités d’application de ces différentes mesures.

Règles applicables à certains travaux et constructions à proximité immédiate du domaine ferroviaire

1. Article L. 2231-2 du Code des transports

Les nouvelles dispositions du Code des transports, issues de l’ordonnance du 14 avril 2021 rappellent, en premier lieu, que sont applicables aux propriétés riveraines du domaine public ferroviaire les servitudes d’écoulement des eaux prévues par les articles 640 et 641 du code civil, et interdisent désormais sur le domaine public ferroviaire tout déversement, écoulement ou rejet direct ou indirect, qu’il soit diffus ou non, d’eaux usées, d’eaux industrielles ou de toute autre substance, notamment polluante ou portant atteinte au domaine.

2. Article L. 2231-4 du Code des transports

En deuxième lieu, ces dispositions interdisent toute construction, autre qu’un mur de clôture, dont la distance par rapport à l’emprise de la voie ferrée ou, le cas échéant, par rapport à l’ouvrage d’art, l’ouvrage en terre ou la sous-station électrique, est inférieure à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat. Le décret précise que cette distance :

  • est de deux mètres à partir de l’emprise de la voie ferrée
  • est de trois mètres pour les ouvrages d’arts souterrains
  • est de six mètres pour les ouvrages d’art aériens

3. Article L. 2231-5 du Code des transports

En troisième lieu, elles interdisent tout terrassement, excavation ou fondation, dont la distance par rapport à l’emprise de la voie ferrée ou, le cas échéant, par rapport à l’ouvrage d’art, l’ouvrage en terre ou la sous-station électrique, est inférieure à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine en outre, en fonction de cette distance, la profondeur maximale de ces terrassement, excavation ou fondation. Ce seuil et cette profondeur sont fixés par l’article R. 2231-5 du Code des transports.

4. Article L. 2231-6 du Code des transports

En quatrième lieu, les nouvelles dispositions interdisent tout dépôt, de quelque matière que ce soit, toute installation de système de rétention d’eau, dont la distance par rapport à l’emprise de la voie ferrée ou, le cas échéant, par rapport à l’ouvrage d’art, l’ouvrage en terre ou la sous-station électrique, est inférieure à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat. Selon les nouvelles diposistions issues du décret, cette distance est de cinq mètres à partir de l’emprise de la voie ferrée. 

5. Article L. 2231-7 du Code des transports

En cinquième lieu, elles imposent aux projets de construction, d’opération d’aménagement ou d’installation pérenne ou temporaire, y compris les installations de travaux routiers, envisagés à une distance par rapport à l’emprise de la voie ferrée ou, le cas échéant, par rapport à l’ouvrage d’art, l’ouvrage en terre, la sous-station électrique ou le passage à niveau, inférieure à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat, de faire l’objet d’une information préalable auprès du gestionnaire d’infrastructure et, le cas échéant, du gestionnaire de voirie routière.

Dans ce cadre, sur proposition du gestionnaire d’infrastructure et, le cas échéant, du gestionnaire de voirie routière, le représentant de l’Etat dans le département peut imposer des prescriptions à respecter pour préserver la sécurité de l’infrastructure ferroviaire et, le cas échéant, routière et des propriétés riveraines.

L’article R. 2231-7 du Code des transports précise les modalités d’application de cette obligation d’information préalable :

  • Cette obligation concerne les projets envisagés à une distance inférieure :
    • à 50 mètres à partir de l’emprise de la voie ferrée
    • pour les passages à niveau, cette distance est portée à une distance de 300 à 3000 mètres, selon l’importance des projets et celle de leur impact sur les infrastructures ferroviaires et les flux de circulation avoisinants
  • Les catégories de projets de construction, d’opération d’aménagement ou d’installation pérenne ou temporaire, y compris les installations de travaux routiers, soumis à une obligation d’information préalable auprès du gestionnaire d’infrastructure, ainsi que la distance qui s’y applique, sont déterminées par arrêté du ministre chargé des transports
  • Le gestionnaire d’infrastructure est informé par le maître d’ouvrage dès lors que le projet est arrêté dans sa nature et ses caractéristiques essentielles et avant que les autorisations et les actes conduisant à sa réalisation effective ne soient pris
  • A compter de la réception de cette information, le gestionnaire d’infrastructure dispose d’un délai de deux mois pour proposer au représentant de l’Etat dans le département d’imposer des prescriptions à respecter pour préserver la sécurité de l’infrastructure ferroviaire et, le cas échéant, routière ainsi que celle des propriétés riveraines.

L’article R. 2231-7-1 du Code des transports précise, de façon non exhaustive, les prescriptions que peut imposer le représentant de l’Etat dans le département au maître d’ouvrage, sur proposition du gestionnaire d’infrastructure (réalisation d’une étude préalable de sécurité, prescriptions techniques à respecter visant à préserver la stabilité et l’intégrité de l’infrastructure ferroviaire…).

Mesures de gestion de la végétation

Les dispositions de l’article L. 2231-3 du Code des transports interdisent d’avoir des arbres, branches, haies ou racines qui empiètent sur le domaine public ferroviaire, compromettent la sécurité des circulations ou gênent la visibilité de la signalisation ferroviaire. Leurs propriétaires sont tenus de les élaguer, de les tailler ou de les abattre afin de respecter cette interdiction.

Pour des raisons impérieuses tenant à la sécurité des circulations ferroviaires, et après constat par procès-verbal par un agent assermenté missionné du gestionnaire d’infrastructure, les opérations d’élagage, de taille ou d’abattage des arbres, branches, haies ou racines peuvent être effectuées d’office, aux frais du propriétaire, par le gestionnaire d’infrastructure.

Le décret précise que ces opérations peuvent être effectuées d’office par le gestionnaire d’infrastructure après une mise en demeure restée sans effet dans le délai raisonnable qu’elle fixe (notifiée par LRAR). Par exception, ces opérations sont accomplies par le gestionnaire d’infrastructure sans mise en demeure préalable lorsque le propriétaire des arbres, branches, haies ou racines en cause n’est pas identifié.

Possibilité d’intervention sur les propriétés riveraines

1. Article L. 2231-8 du Code des transports

Les dispositions issues de l’ordonnance prévoient que lors de la construction d’une nouvelle infrastructure de transport ferroviaire, si la sécurité ou l’intérêt du service ferroviaire l’exigent, le représentant de l’Etat dans le département peut faire supprimer les constructions, terrassements, excavations, fondations ou dépôts, de quelque matière que ce soit, ainsi que les installations de système de rétention d’eau, existant dans les distances mentionnées aux articles L. 2231-4, L. 2231-5 et L. 2231-6 (mentionnées ci-dessus), moyennant une indemnité.

Les constructions existantes lors de la construction d’une nouvelle infrastructure de transport ferroviaire qui ne respectent pas les dispositions de l’article L. 2231-4 et dont l’état a été constaté dans des conditions déterminées par l’article R. 2231-8, peuvent uniquement être entretenues dans cet état.

2. Article L. 2231-10 du Code des transports

Le gestionnaire d’infrastructure peut demander au représentant de l’Etat dans le département, dans le respect des exigences prévues par l’article 1er de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l’exécution des travaux publics, une autorisation de simple passage ou une autorisation d’occupation temporaire sur la propriété d’un riverain en vue d’effectuer des travaux de maintenance ou de modernisation du réseau ferroviaire.

Sanctions en cas de non-respect des servitudes ferroviaires

Aux termes de l’article L. 2132-18 du CG3P, les atteintes aux servitudes établies au profit du domaine public ferroviaire sont réprimées conformément aux dispositions des articles L. 2232-1 et L. 2232-2 du Code des transports.

Aux termes de l’article L. 2232-1 de ce code, ces infractions sont constatées, poursuivies et réprimées comme en matière de grande voirie. La société SNCF Réseau et sa filiale SNCF Gares&Connexions exercent concurremment avec l’Etat, et sous son contrôle, les pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l’intégrité et à la conservation des biens du domaine public de l’Etat qui leur sont attribués.

En d’autres termes, SNCF Réseau est donc compétent pour la notification du PV de contravention et pour engager les poursuites devant le tribunal administratif en matière de contravention de grande voirie, en lieu et place du préfet. A titre d’exemples : CAA de Marseille, 7ème chambre, 01 octobre 2021, 19MA02532 ou CAA de Bordeaux, 1ère chambre, 25 juin 2020, 18BX00031 (intéressant sur le point de la compétence de l’agent ayant émis le PV de contravention – agents en InfraPole ou en UP Voie).

Enfin, aux termes de l’article L. 2232-2 du Code des transports, les personnes qui contreviennent aux dispositions mentionnées ci-dessus sont condamnées à supprimer, dans le délai déterminé par le juge administratif, les constructions, terrassements, excavations, fondations ou dépôts, de quelque matière que ce soit, ainsi que les installations de système de rétention d’eau, faits contrairement à ces dispositions.

La suppression a lieu d’office, et le montant de la dépense est recouvré contre eux par voie de contrainte, comme en matière de contributions publiques, s’ils ne se conforment pas à ce jugement.

NB : Il convient de préciser, en outre, que les sanctions administratives issues des contraventions de grande voirie peuvent être cumulées, sous certaines conditions, avec les sanctions pénales prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-10 du Code des transports (cf. article L. 2132-28 du CG3P).

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