Le PCRS : fondement et intégration réglementaire
Genèse et principes fondateurs du PCRS
- Les préoccupations liées au besoin de disposer d’un socle de fond de plan de référence partagé, géoréférencé et mutualisable, qui serve de référentiel de base à l’échelle locale ou nationale, ne datent pas d’hier : gestion du domaine public, planification urbaine, gestion des mobilités, des réseaux, du mobilier urbain…
- Autant de cas d’applications dans lesquels, depuis longtemps, les collectivités, exploitants de réseaux, urbanistes et services de l’État sont confrontés à un problème récurrent : chacun travaille avec ses propres fonds de plans, émanant de sources diverses, souvent incompatibles entre eux, sans concordance d’échelle, de projection, de précision et de format. Le tout nuisant à la conception des projets, pouvant entraîner des surcoûts (relevés multiples, doublons), des erreurs d’interprétation ou de localisation (avec parfois des conséquences graves lors de travaux) et une coordination difficile entre acteurs.
- C’est pour pallier ces problématiques que plusieurs initiatives de mise en place d’un référentiel de données géographiques ont été lancées à travers l’histoire, parmi lesquelles nous pouvons compter, entre autres, les Banques de Données Urbaines (BDU) lancées dès le début des années 1970, Le Plan Cadastral Informatisé (PCI) géré par la DGFiP, ou encore diverses initiatives locales de relevés à très grande échelle lancées par les collectivités territoriales dès les années 2000, avec le développement des Systèmes d’Information Géographique (SIG).
- Ces préoccupations sont d’autant plus prégnantes aujourd’hui, dès lors que l’activité des villes est de plus en plus liée au bon fonctionnement des réseaux techniques.
- Dans cette lignée, le 24 juin 2015, le Conseil National de l’Information Géographique (CNIG) a signé un protocole national d’accord du déploiement du Plan Corps de Rue Simplifié (PCRS), défini comme constituant “le socle commun de base décrivant à très grande échelle les limites apparentes de la voirie aussi urbaine dense qu’en zone rurale. Limité aux objets les plus utiles et en n’abordant aucune logique « métiers », le PCRS est destiné à servir de support à un grand nombre d’applications requérant une précision d’ordre centimétrique et un géoréférencement.” (Géostandard d’échange PCRS – version 2.0 – 21 septembre 2017)
- En synthèse, le PCRS se fonde ainsi sur 3 grands principes :
- Unicité : un seul référentiel pour tous les acteurs ;
- Interopérabilité : conforme aux standards pour une intégration fluide dans tous les SIG ;
- Précision suffisante : compatible avec des usages métiers divers, et notamment ceux rendus nécessaires par la réglementation anti-endommagement.
Intégration du PCRS dans la réglementation DT-DICT
- Ainsi, sans être spécifiquement lié à la réglementation anti-endommagement des réseaux, c’est bien cette dernière qui a servi de catalyseur au PCRS (qui a initialement été conçu pour cette finalité), en rendant indispensable un support fiable pour la localisation des réseaux.
- En effet, dès son origine, la réforme anti-endommagement des réseaux a fait de la cartographie le fer de lance permettant d’atteindre son objectif de réduction des risques d’endommagement des réseaux et d’atteinte aux personnes à proximité lors de travaux, notamment en imposant aux exploitants de réseaux, dans le cadre des réponses aux DT-DICT, des obligations quant à la précision de la localisation de leurs ouvrages et quant à l’amélioration continue de cette précision.
- Logiquement, le volet cartographique de la réforme a donc également porté sur le fond de plan sur lequel ces réseaux sont reportés : en vue de donner une portée pleinement efficiente au dispositif, est apparu la nécessité d’établir un référentiel de fond de plan unique et homogène pour recaler les réseaux, ceci afin d’exploiter au mieux la qualité des informations afférentes à leur localisation, et, par conséquent, de franchir une étape supplémentaire dans la réduction des dommages aux réseaux.
- Dans ce contexte, dès son entrée en vigueur, l’arrêté du 15 février 2012 relatif à l’exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution prévoyait déjà une obligation visant à employer un fond de plan correspondant au meilleur lever régulier à grande échelle disponible (7° du I de l’article 7 de l’arrêté du 15 février 2012), sans toutefois faire référence à un standard spécifique.
- C’est l’article 4 de l’arrêté du 22 décembre 2015, entré en vigueur au 1er janvier 2016, qui a intégré explicitement le PCRS dans la réglementation DT-DICT en venant compléter les dispositions précitées de l’article 7 de l’arrêté du 15 février 2012, lesquelles précisent désormais que : “Dans le cas où l’exploitant fournit des plans avec le récépissé de déclaration (…) Le fond de plan employé pour la transmission des données de localisation des réseaux aux déclarants est le meilleur lever régulier à grande échelle disponible, établi et mis à jour par l’autorité publique locale compétente en conformité avec les articles L. 127-1 et suivants du code de l’environnement et selon le format d’échange PCRS (plan corps de rue simplifié) établi et mis à jour par le Conseil national de l’information géolocalisée”.
- Il est ici intéressant de noter que, parmi les diverses déclinaisons d’usage du PCRS, son utilisation dans le cadre des réponses aux DT-DICT correspond actuellement au seul usage réglementaire connu.
- Ayant ainsi vocation à être utilisé comme fond de plan de référence pour les réponses aux DT, DICT et ATU, le PCRS devrait tendre à la satisfaction de deux objectifs :
- Faciliter la compréhension et l’exploitation des plans reçus lors de travaux à proximité des réseaux, que ce soit pour les exécutants de travaux, ou pour les bureaux d’étude chargés d’élaborer des plans de synthèse en reportant les réponses aux DT-DICT sur un fond de plan commun pour afficher la cartographie de l’ensemble des réseaux présents dans une même zone ;
- Participer à l’amélioration cartographique recherchée par la réglementation en représentant le réseau en superposition de tous les éléments jugés nécessaires pour permettre aux exécutants de travaux de se se repérer facilement sur le terrain avant d’entamer le chantier (bordures de trottoirs, façades de bâtiments, affleurants divers…), et ce de manière simplifiée (sans logique métier prédéfinie), avec une précision de localisation inférieure ou égale à 10 cm.

Il est ici intéressant de noter que, parmi les diverses déclinaisons d’usage du PCRS, son utilisation dans le cadre des réponses aux DT-DICT correspond actuellement au seul usage réglementaire connu.
- Initialement alignée avec les échéances relatives à l’obligation de réponse en classe A, l’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2018 a fixé l’entrée en vigueur de cette obligation de recours au PCRS au 1er janvier 2026 (article 25 de l’arrêté du 15 février 2012).
- A cette date, cette obligation sera applicable à tous les ouvrages, sensibles et non sensibles, dès l’existence effective d’un PCRS dans la zone géographique concernée.
Défis de mise en œuvre et perspectives juridiques
Un pilotage local complexe mais structurant
- Parce que c’est l’échelon local qui connait le mieux les projets d’aménagement pouvant impacter la voirie, la production du PCRS est déléguée aux “Autorités Publiques Locales Compétentes” (APLC). Cette production repose :
- Sur un principe d’initiative : les textes ne font état d’aucune obligation et d’aucune échéance de production. Concrètement, il est nécessaire qu’il y ait un fédérateur local dument identifié par l’ensemble des acteurs : une autorité locale doit se déclarer compétente sur un périmètre géographique pertinent vis-à-vis de son périmètre d’intervention et de sa capacité d’organiser la pérennité de la production et de la diffusion des données PCRS ;
- Sur un principe d’incitation économique : une économie substantielle pourrait être réalisée en mutualisant les dépenses liées aux levés topographiques, jusqu’ici effectués séparément par chaque acteur. Les échanges au sein du CNIG ont mis en évidence qu’un fond topographique unique, partagé entre maîtres d’ouvrage, bureaux d’études et entreprises de travaux, permettrait de concevoir, réaliser et récoler les projets de manière plus efficace. Ce partage favoriserait des gains significatifs en qualité et en temps. Les économies générées par cette mutualisation pourraient ainsi être partiellement réinvesties dans la création puis la mise à jour de ce référentiel commun ;
- Sur un principe d’incitation par l’usage : les usages du PCRS dépassant le seul cadre des réponses aux DT-DICT, son utilisation peut être déclinée dans plusieurs services (gestion foncière et environnementale, services de secours, gestion des cimetières,…) ;
- Une fois ces jalons posés, les modalités sont discutées et définies (format vecteur ou raster, modalités de mises à jour, d’interopérabilité et de diffusion,…).
- Cette production présente ainsi des enjeux de taille : elle suppose une volonté politique forte, une coordination entre acteurs, et un appui solide sur ce sujet complexe aussi bien sur le plan technique, que pour trouver un montage financier et pour valoriser la mise à disposition libre et gratuite des données. Elle fait également face à des zones d’incertitude sur le cadre juridique.
Un cadre juridique à préciser
- En effet, bien que le cadre réglementaire ayant trait au PCRS soit défini, il est indéniable que des flous persistent et méritent d’être clarifiés.
Sur la notion d’autorité publique locale compétente
- La notion, reprise par l’article 7 de l’arrêté du 15 février 2012, n’est pas explicitement définie par les textes. Bien que l’article L. 127-1 du code de l’environnement, renvoie, afin de définir la notion d’autorité publique, aux entité listées à l’article L. 124-3 de ce code, il reste que les termes “locale” et “compétente” restent floues, ce qui permet à tout EPCI de revendiquer ce titre, et complexifie grandement l’identification des acteurs idoines sur un territoire donné.
Sur la disponibilité et la diffusion du PCRS
- Ensuite, le caractère “disponible” du fond de plan PCRS est cardinal au sein du dispositif DT-DICT imposant son recours. Cependant, cette notion de disponibilité n’est pas précisé par les textes, laissant ainsi un zone d’ombre sur la possibilité de savoir si un fond de plan est effectivement disponible. Il serait ainsi utile de préciser qu’un PCRS devient disponible dès lors que son élaboration est terminée pour un territoire donné, ce qui permettrait de cataloguer au niveau national les PCRS existants et de savoir précisément où ils peuvent être utilisés en en certifiant la disponibilité.
- La question de savoir quel fond de plan est disponible ouvre d’ailleurs directement la question des outils nécessaires à la diffusion du PCRS (ainsi que celle de savoir auprès de quelle entité les gestionnaires de réseaux devront le réclamer à l’échéance du 1er janvier 2026). Ce point souffre d’incertitudes : à ce jour, si des initiatives locales, via des portails géographiques partagés et co-financés entre les parties prenantes d’une convention PCRS ont été mises en place, il n’existe toutefois pas d’infrastructure nationale unique pour la diffusion du PCRS.
- L’une des pistes pourrait être celle d’un passage par le Guichet unique, à savoir le téléservice sur lequel sont réalisés les DT-DICT ;
- Cela étant, la méthodologie s’est plutôt orientée sur le développement d’une infrastructure dédiée spécialement à la diffusion du PCRS à l’échelle nationale. A cet effet, à partir de fin 2022, l’IGN, mandaté par la Direction Générale de Prévention des Risques (DGPR), a progressivement déployé une Geoplateforme ayant pour vocation à diffuser l’ensemble des données PCRS à travers une plateforme nationale en accord avec les principaux acteurs (https://geoservices.ign.fr/pcrs) ; plateforme sur laquelle les gestionnaires du PCRS déposeraient leurs données qui seraient ensuite récupérées par les usagers de cette information ;
Sur la question de l’ouverture de la donnée PCRS
- Cependant, le dispositif précité suppose, a priori, une mise à disposition des données en open data, sans avoir à en réglementer l’accès, ce qui se heurte à la réticence de certaines collectivités :
- D’une part, eu égard à la nécessaire protection de certaines activités sensibles, comme en témoigne une question récente posée au gouvernement, parue du JO du 29/04/2025, faisant état de préoccupations concernant la publication en open data du PCRS image ;
- D’autre part, au regard d’un enjeu économique et financier de taille, à savoir le financement de l’activité du service chargé du PCRS, lequel repose majoritairement sur les gestionnaires de réseaux. Or, un passage vers l’open data implique certainement la perte de ce financement dès lors que ces gestionnaires n’auraient plus d’intérêt à financer l’acquisition d’une donnée qui sera mise en libre accès et donc accessible à ceux qui n’y ont pas pris partie.
- Ainsi, le législateur devrait clarifier la position de la donnée par rapport à l’open data, afin de choisir le type d’infrastructure de diffusion et de mise à disposition à mettre : ouverte ou restreinte. Sur ce point, à date, la solution pérenne semble consister à imposer le passage du PCRS vers l’open data, comme en témoigne la clarification du caractère ouvert du PCRS affirmé par l’avis de l’administratrice générale des données, des algorithmes et des codes sources en date du 24/01/2023.
Sur le régime de sanctions et des responsabilités
- Enfin, une clarification du cadre juridique serait la bienvenue quant aux sanctions possiblement applicables en cas de non recours au PCRS par les exploitants de réseaux au 1er janvier 2026 :
- En l’état, le non recours au PCRS n’est pas explicitement mentionné parmi les 14 motifs de sanctions administratives prévues par l’article R. 554‑35 du Code de l’environnement. On peut cependant supposer que cette absence de recours au PCRS malgré sa disponibilité pourrait être assimilée à un manquement dans la qualité des informations fournies en réponse à une DT ou à une DICT, entrant dans le champ des infractions sanctionnées, notamment sous le motif général de non-conformité des informations fournies ;
- Ce point ouvre d’autres interrogations quant au régime de responsabilité lié à la production du PCRS et aux usages en découlant : que se passe-t-il si un exécutant se base sur un PCRS erroné ou obsolète ? Qui est responsable : l’autorité locale productrice ? le maître d’ouvrage ? l’exploitant ?
- En somme, il est certain que des points restent à clarifier sur le plan législatif et réglementaire, en vue d’une prise en compte des préoccupations remontées par les différentes parties prenantes.
Sources
- La Startup d’Etat de l’ANCT a mis en place un système performant de suivi des projets permettant, entre autres, de créer une carte d’avancement du PCRS. Depuis juillet 2023, cette dernière a remplacé celle initialement mise en place par l’IGN – Carte d’état d’avancement du PCRS
- Contenu documentaire produit dans le cadre de la startup d’état PCRS
- HAFIANE, Mohammed Sami (2021). La démarche PCRS face aux enjeux de mise en œuvre et de gouvernance, Mémoire de Master, Université de Cergy Paris