Conseil d’Etat, 1er mars 2023, SNCF Réseau, n°466574, Mentionné aux tables
Par un arrêt en date du 1er mars 2023, la Haute Juridiction précise que SNCF Réseau assume toutes les obligations du propriétaire vis-à-vis d’une passerelle piétonne surplombant les voies ferrées, dès lors que cet ouvrage appartient au domaine public ferroviaire.
Faits de l’espèce & procédure antérieure
Par un arrêté en date du 20 juin 2022, le maire de Tergnier (Aisne) a mis la société SNCF Réseau en demeure de faire cesser le péril résultant de l’état dangereux d’une passerelle piétonne surplombant les voies ferrées aux abords de la gare de cette ville et lui a prescrit de réaliser des travaux de mise en sécurité (article L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation).
La société SNCF Réseau a demandé au juge des référés du tribunal administratif d’Amiens :
- d’une part, de suspendre, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, l‘exécution de cet arrêté
- d’autre part, de mettre à la charge de la commune la mise en oeuvre toute mesure conservatoire de sécurisation de la passerelle dans l’attente de sa démolition prochaine
Première instance (TA Amiens, ordonnance n° 2202346 du 26 juillet 2022)
Aux fins d’établir l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du maire de Tergnier, l’argumentaire de la société SNCF Réseau consistait à contester la propriété de la passerelle piétonne litigieuse.
Ainsi, au soutien de ses conclusions à fin de suspension, la société SNCF Réseau soutenait, notamment, qu’existait un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du 20 juin 2022, dès lors que la passerelle litigieuse est de la propriété de la commune, en application des articles L. 2111-1 et L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques et de la jurisprudence, et qu’il revenait donc à cette commune de sécuriser et d’entretenir cet ouvrage elle-même.
En défense, la commune soutenait notamment, à l’inverse, qu’il nexistait pas de doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse dès lors que la passerelle appartient au domaine public ferroviaire.
Après avoir relevé que la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative devait être regardée comme remplie, le tribunal administratif d’Amiens a, pour relever qu’il était fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du 20 juin 2022, jugé que :
- Au regard de la jurisprudence, les ponts ne constituent pas des éléments accessoires des cours d’eau ou des voies ferrées qu’ils traversent
- Ces ouvrages sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage
- Il en ressort donc qu’une passerelle supportant une voie faisant, comme en l’espèce, la jonction entre une voie communale et une voie départementale, ne peut donc pas appartenir à SNCF Réseau
Par conséquent, par une ordonnance n° 2202346 du 26 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif a ordonné la suspension de l’exécution de l’arrêté du maire de Tergnier et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société SNCF Réseau.
La commune de Tergnier s’est ainsi pourvu en cassation contre cette ordonnance.
Décision du Conseil d’Etat
Par son arrêt en date du 1er mars 2023, la Haute Juridiction précise, par un considérant de principe, qu’il résulte de l’article L. 2111-1 du Code des transports et du I de l’article L. 2111-20 du même code que la société SNCF Réseau, qui assume, directement ou par l’intermédiaire d’une filiale, toutes les obligations du propriétaire pour les biens relevant du domaine public ferroviaire que l’État lui a attribués, doit être regardée comme le propriétaire de ces biens pour l’exercice des pouvoirs de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations.
Sur ce principe, pour censurer la position du juge des référés du tribunal adminsitratif d’Amiens, la Haute Juridiction relève que :
- d’une part, que le procès-verbal du 2 octobre 1933 de récolement et de remise des travaux conduits par la Compagnie du Chemin de fer du Nord établissait que cet ouvrage avait été édifié, dans l’intérêt du service public du chemin de fer, par cette entreprise en sa qualité de concessionnaire de ce service public et appartenait ainsi au domaine public ferroviaire
- d’autre part, qu’aucun élément du dossier ne permettait d’établir qu’il en serait sorti depuis lors,
- par conséquent, la société SNCF Réseau, attributaire des lignes du réseau ferré national, assumant à ce titre toutes les obligations du propriétaire, était susceptible de faire l’objet d’un arrêté de mise en sécurité
Jugeant, par conséquent, que le juge des référés du tribunal adminsitratif avait dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, le Conseil d’Etat annule partiellement l’ordonnance attaquée.