Charte de l'urbanisme

Chartes de l’urbanisme : incompétence d’une commune pour imposer des règles impératives


Tribunal administratif de Rouen, 26 janvier 2023, n°2202586

Par un jugement en date du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération par laquelle un conseil municipal avait approuvé une « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » comportant plusieurs règles impératives ayant vocation à s’imposer aux opérateurs immobiliers signataires des cette charte. 


Faits de l’espèce

Au delà des PLU, permettant aux collectivités compétentes de disposer d’un très vaste champ d’action afin de faire peser des contraintes sur les acteurs de la construction, certaines communes souhaitent aller plus loin et proposent, à cette fin, des « chartes » de construction.

Ce fut le cas de la Commune de Bois-Guillaume qui, entendant « fixer les règles du jeu en matière de construction, d’aménagement et d’urbanisme » et estimant « nécessaire d’établir un référentiel commun qui dépasse le seul cadre réglementaire du Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi), par une approche plus qualitative et circonstanciée » a approuvé une « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » par une délibération du 3 février 2022.

Cette charte fixait ainsi des « engagements » qui devraient « être scrupuleusement appréhendés dans chaque opération » par les opérateurs immobiliers signataires de ce document.

Après avoir vu son recours gracieux être rejeté par la commune, le préfet de la Seine-Maritime a demandé au tribunal administratif de Rouen l’annulation de cette charte, au motif que :

  • La commune de Bois-Guillaument ne disposait pas de la compétence pour fixer des règles d’urbanisme
  • Cette charte avait pour objet de créer une nouvelle norme s’imposant aux demandes d’autorisation d’urbanisme présentées par des opérateurs immobiliers, alors que seules les dispositions normatives prévues et encadrées par la loi peuvent réglementer l’instruction des autorisations d’urbanisme

Annulation de la « charte de l’urbanisme et du cadre de vie » par le tribunal

En premier lieu, le tribunal administratif de Rouen juge que la commune était incompétente pour imposer, au moyen d’une charte, des règles impératives qui relèvent de la compétence de la métropole en charge du PLUi :

« Au vu de ses termes, et notamment de la nature des « engagements » qu’elle prévoit, la « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » de Bois-Guillaume doit être regardée comme imposant aux opérateurs immobiliers concernés des règles impératives en matière « d’aménagement de l’espace métropolitain », au sens des dispositions précitées de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, relevant, par leur nature, du plan local d’urbanisme. Par suite, la commune de Bois-Guillaume n’était pas compétente pour adopter de telles prescriptions en matière d’urbanisme, alors qu’il est constant que ce champ de compétences est dévolu à la métropole Rouen Normandie, dont est membre la commune de Bois-Guillaume. »

En deuxième lieu, toujours au motif de l’incompétence de la commune pour rédiger la charte en litige, le tribunal adminsitratif relève que cette commune ne pouvait pas créer de nouvelles règles impératives relevant du domaine de la loi et du règlement :

« Il résulte de ces dispositions que les demandes relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation des constructions ne peuvent être instruites que dans les conditions fixées par les dispositions législatives et réglementaires du code de l’urbanisme, qui définissent de manière limitative les informations ou pièces pouvant être exigées par l’autorité compétente.
Au vu de ses termes, et notamment de la nature de certains des « engagements » qu’elle prévoit, la « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » de Bois-Guillaume doit être regardée comme imposant aux opérateurs immobiliers concernés des règles impératives relatives à la conception et à la réalisation de projets de construction, relevant, par leur nature, de la loi ou du règlement. Par suite, la commune de Bois-Guillaume n’était pas compétente pour imposer de telles prescriptions en matière d’urbanisme. »

En dernier lieu, relevant que la charte approuvée par la commune de Bois-Guillaume regroupait un « ensemble cohérent d’engagements indissociables et indivisibles », le tribunal administratif juge que le préfet de la Seine-Maritime était fondé à en demander l’annulation


Ce jugement, qui est le premier à procéder à l’annulation d’un tel document, devrait attirer l’attention des communes, qui auront tout intérêt à vérifier la légalité de leurs chartes et projets de chartes.

Il est toutefois important de souligner que le jugement objet du présent article n’interdit tout recours à une charte d’urbanisme : il conviendra d’accorder une vigilance particulière à ce qu’un tel document ne comporte pas de règles impératives qui ne relèveraient pas de la compétence de la commune.

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